mercredi 24 décembre 2014

L’intercommunalité en Gironde


Cette analyse[1] de l’intercommunalité en Gironde tente d’apporter un éclairage récent au moment où ce sujet est placé sous les feux de l’actualité depuis que le gouvernement évoque la nécessité de réduire le nombre des Régions et des intercommunalités. Le choix de la Gironde tient à la présence d’une agglomération de plus de 700 000 habitants qui introduit des conditions particulières à l’organisation administrative dans ce département et interroge plus que dans d’autres départements sur ce qu’on appelle « le millefeuille administratif ».

Les étapes de la mise en place de l’intercommunalité en Gironde


Avant la loi de 1992 qui donne naissance à deux nouvelles EPCI (Établissement public de coopération intercommunale), « la communauté de communes » (CC) et la « communauté de villes », il n’existait en Gironde que deux intercommunalités ayant mis en œuvre les nouveaux dispositifs prenant en compte l’essor de l’urbanisation en France : la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) et le District Sud Bassin.

Suite aux réflexions menées dans le cadre de l’aménagement du territoire, les autorités avaient estimé que les syndicats intercommunaux n’apportaient pas de réponse satisfaisante dans les espaces touchées par l’urbanisation. Les Districts urbains ont été institués par ordonnance en 1959[2] et dotés de compétences obligatoires auparavant assurés éventuellement par des syndicats intercommunaux (logement, incendie…) ainsi que de compétences facultatives à leur demande.

La démarche des communes d’Arcachon, La Teste-de-Buch et Gujan-Mestras, lors de la création du premier Syndicat Intercommunal pour gérer en commun plusieurs grands équipements indispensables à un ensemble dont le développement touristique est important, s’inscrivait tout naturellement dans cette perspective. C’est assez naturellement que ces trois communes, auxquelles s’ajoute celle du Teich en 1973, optèrent pour la formule du District Urbain et se réunirent pour former le District Sud Bassin en se dotant de personnel, d’une organisation et de ressources financières propres.

La DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) se pencha dès sa création en 1963 sur les notions de « villes moyennes » et de métropole d’équilibre ». Furent définies ainsi, huit métropoles d’équilibre. Pour administrer ces nouveaux territoires urbanisés, la loi de 1966 donna naissance à quatre Communautés urbaines (CU), dont celle de Bordeaux. Avant sa transformation en CU, l’agglomération de Bordeaux comptait six syndicats traditionnels et un syndicat à vocation multiple liant six communes[3]. Cette décision étatique a suscité la colère de bien des communes et il faudra de nombreuses tractations et la volonté du maire de Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas, pour convaincre 27 communes d’adhérer au nouveau dispositif.

La loi de 1992[4], donna la possibilité aux communes de créer une intercommunalité de projets et constitua une nouvelle étape dans la volonté de l’Etat de pousser les communes à s’associer tout en leur laissant la possibilité d’en décider. « Communauté de communes » (CC) et « Communauté de ville » bénéficièrent de compétences élargies, d’un régime fiscal devant favoriser plus d’intégration, assorti de l’obligation de se doter de deux compétences obligatoires : l’aménagement du territoire et le développement économique.


Les étapes de le création des EPCI entre 1990 et 2006.


Toujours aussi réticentes à abandonner une partie de leur pouvoir les communes girondines demeurèrent à l’écart de ces regroupements, à deux seules exceptions. Le District de la Pointe du Médoc adopta plutôt le modèle du District Urbain conservé dans la loi de 1992. Onze communes acceptèrent de mettre en commun une partie de leurs ressources pour réaliser les infrastructures structurantes. Il convient de souligner le rôle de Jean-François Pintat, sénateur de la Gironde, dans la naissance de cette EPCI. Quant à la CC de l’Entre-deux-Mers-Ouest organisée autour de Saint-Quentin-de-Baron elle est la première CC créée en 1995. Elle incorpore la moitié ouest des communes du canton de Branne. Faut-il y voir la conviction que l’intercommunalité est l’avenir pour les petites communes ou le souci de profiter de cette possibilité pour ouvrir une scission au sein du canton en s’émancipant de Branne ?

Devant le peu des motivations des communes pour entrer dans des EPCI à fiscalité propre, le gouvernement mit au point un nouveau texte aboutissant à la loi de juillet 1999[5] définissant et restreignant le nombre d’EPCI. Cette loi conserve les Communautés Urbaines (CU) mais en restreint le statut aux seules agglomérations de plus de 500 000 habitants ; ce qui est le cas de celle de Bordeaux dans son périmètre de 27 communes. Elle garde aussi les Communautés de Communes (CC) en élargissant leurs compétences et en laissant à ces entités le choix entre trois régimes fiscaux. Cette loi donne naissance à la Communauté d’Agglomération (CA) qui doivent se constituer autour d’une ville centre de 15 000 habitants au moins et compter au moins 50 000 habitants dans son territoire. La loi insiste sur la notion d’intercommunalité de projet en donnant à ces trois collectivités des compétences pouvant s’imposer aux communes.

Fin 2000, soit deux ans après la promulgation de cette nouvelle loi, une réelle progression de l’intercommunalité se manifeste mais demeure limité à quelques espaces géographiques : le Blayais et le Cubzaguais, l’Entre-deux-Mers et l’extrémité sud-est de la Gironde.

C’est en 2001 et 2002 que la grande majorité des communes de la Gironde entrent dans des EPCI[6]. Comme la loi du 13 août 2004 apporte des modifications pour faciliter le développement des EPCI à fiscalité propre, le nouveau bilan de l’intercommunalité en Gironde, en 2006, montre que la presque totalité des communes appartient à des regroupements communaux.


Bilan de l’intercommunalité en 2008


En 2008[7], la Gironde compte une Communauté urbaine (CU), Bordeaux, de près de 700 000 habitants, une Communauté d’agglomération (CA), Arcachon, de 60 000 résidents et 45 Communautés de Communes (CC) qui totalisent autant d’habitants ce qui révèlent un émiettement poussé des territoires de l’intercommunalité en milieu périurbain et rural. Si tant est qu’il demeure en Gironde des communes rurales à l’écart des influences urbaines.

La carte des périmètres des CC de la Gironde est une réplique presque parfaite du découpage de la Gironde en cantons. D’ailleurs plusieurs CC mentionnent dans leur libellé le mot canton : cantons de Saint-Ciers-sur-Gironde, de Blaye, de Bourg-sur-Gironde, de Fronsac, de Podensac, de Targon, de Villandraut… D’autres, inspirées probablement par les réflexions en cours sur les Pays (loi Pasqua de 1995[8] renforcée par la loi Voynet de 1999), introduisent dans leur titre le mot Pays, mais dans un périmètre qui demeure celui du canton : Pays de Coutras, de Sauveterre-de-Guyenne, de Pellegrue, de Paroupian, Langon, Foyen… Et bien d’autres sans le préciser s’inscrivent dans le périmètre de leurs cantons comme la CC de Saint-Savin, du La Réolais, du Monségurais, de Montesquieu, du Val d’Eyre, du Bassin d’Arcachon Nord Atlantique…



 Nom de la communauté de communes 
 Date de création 
 Fiscalité 
 Nombre de communes 
Nombre d'habitants 
Communauté urbaine de Bordeaux (C.U.B)
| 31/12/1966 |
| TPU |
| 27 |
| 680 973 |
| CA "Bassin D'Arcachon Sud - Pôle Atlantique" (COBAS) |
 07/12/2001
TPU
4
60 227
CC Du Bassin D'Arcachon Nord Atlantique (COBAN Atlantique)
18/11/2003
Fiscalité additionnelle de zone
8
50 198
CC de Montesquieu
07/12/2001
TPU + DGF bonifiée
13
34 305
CC du Libournais
24/12/2001
Fiscalité additionnelle de zone
6
27 606
CC Médoc-Estuaire
11/12/2002
TPU + DGF bonifiée
11
22 354
CC Cestas/Canéjan 
21/12/1999
TPU + DGF bonifiée
2
22 314
CC du secteur Saint-Loubès
18/12/2000
TPU + DGF bonifiée
6
21 979
CC du Pays de Langon
31/12/2002
TPU + DGF bonifiée
14
19 948
CC du Pays de Coutras.
27/12/1995
Fiscalité additionnelle de zone
13
18 571
CC se Saint-Savin 
27/12/1999
TPU + DGF bonifiée
16
18 005
CC du canton de Podensac
 29/12/2003
Fiscalité mixte
13
17 567
CC du Cubzaguais
05/12/2000
TPU + DGF bonifiée
10
17 326
CC du Centre-Médoc.
28/12/1995
TPU + DGF bonifiée
8
16 359
CC des Coteaux Bordelais
10/12/2002
TPU + DGF bonifiée
7
15 508
CC "Medulienne"
04/11/2002
TPU + DGF bonifiée
10
15 377
CC du Pays Foyen
30/10/2002
TPU + DGF bonifiée
15
14 881
CC du canton de Fronsac
03/12/2002
TPU + DGF bonifiée
18
14 705
CC du Val d’Eyre
11/12/2002
TPU + DGF bonifiée
5
14 484
CC du Canton de Guîtres
24/12/2001
Fiscalité additionnelle de zone
13
14 347
CC des Portes de l’Entre-deux-Mers
10/12/2002
TPU + DGF bonifiée
7
13 621
CC du Créonnais
13/07/2000
Fiscalité additionnelle de zone
14
13 504
CC Castillon/Pujols
17/12/2002
Fiscalité mixte
21
13 370
CC du Réolais
28/11/2003
TPU + DGF bonifiée
23
12 754
CCC de la Pointe du Médoc
07/12/2001
TPU + DGF bonifiée
11
12 563
CC du canton de Bourg-sur-Gironde
24/12/1996
TPU + DGF bonifiée
15
12 561
CC du Sud-Libournais
24/12/2001
TPU
5
12 310
CC de l’Estuaire–canton Saint-Ciers-sur-Gironde
14/04/1995
TPU
11
11 713
CC "Cœur du Médoc" 
10/12/2002
TPU + DGF bonifiée
11
11 415
CC du canton de Blaye
17/12/1998
TPU + DGF bonifiée
9
9 782
CC des Lacs Médocains
10/12/2002
TPU + DGF bonifiée
3
9 575
CC des Coteaux Macariens
20/12/2002
Fiscalité additionnelle de zone
14
9 257
CC du Bazadais
13/12/2001
Fiscalité additionnelle de zone
13
9 127
CC du Vallon d’Artolie
 29/12/1999
TPU + DGF bonifiée
9
8 062
CC des Coteaux de Garonne
 27/12/2002
Fiscalité additionnelle de zone
9
6 654
CC de la Juridiction de Saint-Emilion
 27/11/2001
TPU + DGF bonifiée
8
6 431
CC du Lussacais
22/12/2004
Fiscalité mixte
8
6 401
CC du canton de Targon
26/12/2001
Fiscalité additionnelle de zone
19
5 929
CC du Pays de Sauveterre-de-Guyenne
29/12/1997
Fiscalité additionnelle de zone
16
5 557
CC de Captieux - Grignols
27/12/2000
Fiscalité additionnelle de zone
16
4 888
CC du canton de Villandraut
26/12/2001
TPU + DGF bonifiée
8
4 357
CC du Monségurais
15/12/2004
Fiscalité mixte
15
4 353
CC du Pays d’Auros
15/12/2003
Fiscalité additionnelle + TP
13
4 179
CC de l’Entre-deux-Mers Ouest
04/12/1994
Fiscalité additionnelle de zone
7
4 029
CC du Pays Paroupian
26/12/2001
Fiscalité additionnelle de zone
7
4 005
CC du Brannais (CCB)
16/12/2005
Fiscalité mixte
8
3 708
CC du Pays de Pellegrue
29/12/1997
Fiscalité additionnelle de zone
9
2 473



La détermination des périmètres a été bien plus complexe dans le cas des communes qui sont voisines de la CUB et sous l’influence directe de l’agglomération bordelaise, ainsi que dans le Médoc. Plusieurs cantons de la rive droite avaient été constitués en incorporant des communes proches de la CUB. Ainsi le canton de Carbon-Blanc inclut les communes du secteur de Saint-Loubès, celui de Cenon plusieurs communes qui se situent le long de la RN 89, celui de Floirac la commune de Tresses. Impossible dans ces cas de conserver cette configuration et il a fallu composer de nouveaux territoires intercommunautaires en prenant en compte la situation du canton de Créon qui pour ce faire a été dépecé. Outre Créon dans un périmètre plus réduit, on relève trois CC, celles du secteur de Saint-Loubès, celle des Coteaux Bordelais et celle des Portes de l’Entre-deux-Mers. La CC des Coteaux Bordelais par exemple est plutôt une construction par défaut après que toutes les autres aient arrêté leurs limites.

En ce qui concerne le Médoc, on note une recomposition des territoires s’affranchissant des limites cantonales. Les cantons de Lesparre, de Saint-Laurent-du-Médoc et de Castelnau-de-Médoc sont amputés d’une partie de leurs communes tentées par une nouvelle division du territoire. Toutefois, les nouvelles entités conservent des dimensions qui sont celle d’un canton. A noter que la CC des lacs Médocains compte seulement trois communes mais couvre un vaste territoire en raison de la taille des communes dans le massif forestier landais.

Restent le cas des communes qui font de la résistance à l’intercommunalité, peu nombreuses puisqu’on en compte 14 seulement, mais emblématiques. Commençons par observer la CC Cestas/Canéjan associant seulement deux communes. Les élus de ces communes ont toujours refusés d’entrer dans la CUB et sont hostiles à tout partage de leur « richesse » avec d’autres. D’où ce mariage à deux, accepté par les autorités en charge de valider les périmètres de l’intercommunalité. Cestas et Canéjan jouent le jeu de l’intercommunalité tout en conservant une très grande autonomie. De leur côté, en 2008, leurs voisines Saint-Jean-d’Illac et Martignas-sur-Jalles demeurent hors intercommunalité conservant ainsi pour elles-mêmes les retombées économiques résultant de leur proximité avec la CUB.

Loin de la CUB, on peut relever au moins deux cas de figure. L’attitude de la petite ville de Saint-Seurin-sur-l’Isle constitue une marque de défiance vis-à-vis des autres communes du canton de Coutras. Faute de perspectives globales et profitant d’un taux d’activités plus importants, Saint-Seurin-sur-l’Isle a toujours joué cavalier seul. Dans les cantons de Blaye,  de Castillon-la-Bataille et de Sauveterre-de-Guyenne, plusieurs petites communes rurales sont restées à l’écart de l’intercommunalité, le plus souvent par crainte de voir s’élever les charges fiscales tout en perdant des compétences.

Il conviendrait de réaliser une analyse fine des comportements des responsables des communes et du Conseil Général pour éclairer cette carte de l’intercommunalité en Gironde. La très grande similitude entre la carte des cantons[9] et celle des CC permet d’avancer l’hypothèse qu’elle est le résultat d’une concertation au sein de l’Assemblée départementale et un moyen pour les conseillers généraux de continuer de « contrôler » les territoires qui les élisent. Ce qui n’exclut pas l’émergence de fortes personnalités dans les CC qui n’obéissent pas au découpage cantonal : le maire de Soulac-sur-Mer, de Saint-Loubès ou celui de Tresses, en sont des exemples.
Ce choix, s’il résulte d’une stratégie départementale, à l’inconvénient de conserver des territoires de petite taille, une dizaine de communes en moyenne, et de constituer des entités démographiques disparates sans poids réel face à la domination de l’agglomération bordelaise et secondairement à celle formée par les communes du Bassin d’Arcachon.

La CC la plus peuplée (en dehors de la COBAN) est celle de Montesquieu car elle bénéficie de transfert de population et d’activités de la CUB. La moins peuplée, le Pays de Pellegrue en rassemble moins de 3 000, soit 10 fois moins. Pas moins de 18 CC ne dépasse pas la barre des 10 000 habitants, dont huit en totalise moins de 5 000.

Nous reviendrons plus loin sur quelques aspects des interrogations soulevés par la construction de ce millefeuille territorial en Gironde, mais d’ores et déjà il est possible de mentionner que nous sommes assez loin des objectifs définis dans la loi, d’autant qu’il faudrait se pencher les transferts de compétences et de ressources entre les communes et leur EPCI afin de vérifier que ces dernières sont en mesure de jouer le rôle que la loi leur confie.

Un émiettement aggravé par l’existence de nombreux syndicats intercommunaux


Jusqu’aux textes de loi récents favorisant la création d’EPCI, une grande partie de la gestion intercommunale relevait des syndicats intercommunaux dont les fondements datent de la loi de 1890. Plus tard, les gouvernements autoriseront la création de syndicats mixtes (1935) et des SIVOM (Syndicat à vocations multiples) en 1955. Il s’agit de collectivités dont la création repose sur l’association, alors que les Communautés urbaines, d’agglomération et les Communautés de communes forment des structures fédératives.
La Gironde a compté jusqu’à près de 350 de ces structures syndicales et malgré la montée en puissance des EPCI qui sont en mesure de prendre en charge tout ou partie de ces compétences, il demeure 289 syndicats intercommunaux en 2011[10]. La très grande majorité d’entre eux sont des syndicats à vocation unique comme le montre le tableau.

Les syndicats intercommunaux en 2011
Nombre
Syndicats intercommunaux à vocation unique
216
Syndicats intercommunaux à vocation multiple
13
Syndicats mixtes
60

L’objectif des syndicats intercommunaux est bien, dès l’origine, de gérer des services publics nécessaires à plusieurs communes et nécessitant parfois de très lourds investissements qui ne pouvaient être pris en charge que collectivement. Les domaines d’intervention sont très variés. Toutefois, on peut les regrouper suivant une poignée de compétences, comme il est mentionné dans le tableau ci-dessous. Leur nombre reste élevé dans la gestion de l’eau et les activités liées au milieu scolaire que ce soit pour organiser les regroupements pédagogiques ou assurer le transport des élèves vers les collèges et les lycées.

Répartition des syndicats intercommunaux par compétences

Nombre
Autres domaines de compétences
64
Eau et/ou assainissement collectif et non collectif
63
Regroupements pédagogiques intercommunaux
51
Scolaires, transports, lycées, collèges
45
Hydraulique
37
Électricité
18
Élimination et valorisation des déchets ménagers et assimilés
11

Les syndicats intervenant dans le domaine de l’hydraulique sont confrontés à des questions d’entretien et de gestion des eaux de ruissellement et doivent faire face à des crues dévastatrices dans des zones urbanisées de plus en plus étendues. Tel est notamment le cas des cours d’eau qui prennent naissance dans l’Entre-deux-Mers et se jettent dans la Garonne ou la Dordogne. A titre d’exemple, le « Syndicat intercommunal du bassin versant du Guâ » a été fondé en 1969 afin d’aménager ce cours d’eau qui prend naissance à Tresses, traverse 13 communes et rejoint la Garonne à Ambarès-et-Lagrave. Comme huit communes de la CUB sont concernées, cette dernière participe au financement du Syndicat mais demeure compétente pour les travaux à réaliser sur son territoire. Un exemple parmi d’autre des chevauchements de compétences.

S’agissant de la distribution d’électricité, depuis 1937, le « Syndicat départemental d’énergie électrique de la Gironde » intervient au nom de toutes les communes[11]. Toutefois, il y a deux cas de figure en ce qui concerne l’adhésion des communes : soit directement pour un peu moins de 200 d’entre elles, soit par le biais d’un syndicat intercommunal, on en compte 18, pour près de 350 d’entre elles.

C’est dans le domaine de la collecte et du traitement des ordures ménagères que la simplification a été le plus poussée. Il n’y a plus que 11 syndicats intercommunaux en Gironde. Cela résulte de la tutelle exercée par le Conseil Général dans ce domaine[12] et aux contraintes de plus en plus fortes dans cette activité en raison des volumes traités et des coûts en forte progression. La réorganisation pilotée par le Conseil Général a suscité dans certains cas des dysfonctionnements lors de rapprochement de structures existantes. Ainsi la fusion du SMICTOM du Libournais et du SICTOM de Haute Gironde a conduit à des coûts supplémentaires assortis d’erreurs budgétaires mis en lumière par un rapport de la Cour des Comptes Régionale[13]. Si la situation est redevenue normale, elle témoigne de la difficulté des restructurations et des tensions nées de l’abandon de compétences par les communes, surtout quand les sommes payées par les utilisateurs augmentent.

Les SIVU en Gironde et le périmètre des EPCI

Les 216 SIVU de Gironde ne se répartissent pas de manière uniforme dans le département. Ils sont plus nombreux à droite d’une ligne qui passe par l’estuaire et qui suit la Garonne, c'est-à-dire en Haute Gironde, dans le Libournais et l’Entre-deux-Mers. Au sein de ces espaces, on observe une concentration des SIVU dans quelques bassins de vie organisés autour de petites villes : Blaye et Bourg en Haute Gironde ; Libourne, Coutras, Castillon-la-Bataille et Branne dans le Libournais ; Sainte-Foy-la-Grande, Sauveterre-de-Guyenne et La Réole dans l’Entre-deux-Mers. Dans la très grande majorité des cas, ces SIVU permettent à des communes périphériques d’un petit centre urbain d’être le siège d’un syndicat intercommunal. Tout se passe comme si l’intercommunalité de type syndicat devait bénéficier aux communes rurales afin que ces dernières acceptent d’entrer dans ces processus de partage des compétences avec une petite ville ou un gros bourg. On perçoit aisément, en inscrivant ces SIVU dans les EPCI qui se sont constitués, que des chevauchements de limites administratives sont fréquents. Ceci peut justifier en partie le maintien des SIVU alors que dans bien des cas ils auraient dû entrer dans les compétences des EPCI. Le souhait des communes sièges de SIVU de ne pas perdre cette responsabilité constitue aussi un frein évident à la simplification qui devrait découler de la constitution des EPCI.

L’intercommunalité au prisme des budgets des EPCI


Suivre les étapes de l’intercommunalité en Gironde, observer la dimension des EPCI, ne suffit pas pour déterminer les transferts de compétence, les degrés de coopération entre l’EPCI et les communes qui la composent, en bref s’interroger sur la manière dont fonctionne cette intercommunalité. Il faudrait pour cela se rendre auprès de chacune des EPCI afin d’analyser leur fonctionnement. A notre humble niveau, c’est chose impossible. Toutefois, il nous a semblé utile de tirer quelques observations de l’étude des budgets des intercommunalités[14].

Total des produits de Fonctionnement des EPCI en Gironde en 2012.

Les CC ont pu opter pour le régime de la fiscalité additionnelle qui accorde les mêmes compétences fiscales qu’une commune[15]. En Gironde, ce régime a été choisi par très peu de Communautés de Communes, celle du Bassin d’Arcachon Nord-Atlantique (COBAN) en étant un bon exemple.

La très grande majorité des EPCI de la Gironde applique le régime de la fiscalité professionnelle unique (FPU)[16]. Ce régime s’applique depuis la réforme de 2010 et remplace le régime de la Taxe Professionnelle unique (TPU). Ce régime permet à l’EPCI de se substituer progressivement aux communes pour la gestion et la perception de la Contribution économique territoriale (CET) comprenant notamment la contribution foncière des entreprises, la taxe sur les surfaces commerciales. Les documents cartographiques qui suivent ne se contentent pas d’illustrer les hiérarchies en matière de ressources fiscales, ils offrent en effet aussi une image de la localisation des potentiels économiques et de leur concentration dans l’agglomération de Bordeaux.

Ceci ressort de la carte des produits de fonctionnement des intercommunalités en 2012. La Communauté Urbaine de Bordeaux mobilise près d’un milliard d’euros quand la collectivité suivante, la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon sud, n’atteint pas les 50 millions d’euros. Plus déterminant encore, le total des produits de fonctionnement de la CUB en 2012 représente près de 80% du total des produits de fonctionnement de l’ensemble des EPCI alors que la CUB ne regroupe que 50% de la population du département de la Gironde. L’observation de la carte fait également ressortir la faiblesse des prélèvements fiscaux dans la partie orientale de la Gironde, plus particulièrement dans l’espace sud-landais et l’Entre-deux-Mers. Tout la grande moitié occidentale de la Gironde est mieux lotie en matière d’installation d’entreprises et cela d’autant plus que les Communauté de communes de localisent en périphérie de la CUB. L’orientation touristique permet également de disposer de ressources fiscales supérieures. Enfin, notons le cas très particulier de la communauté de communes de l’Estuaire-Canton de Saint-Ciers-sur-Gironde qui profite depuis longtemps de la présence de la centrale nucléaire de Braud-et-Saint-Louis.

Total des produits d'investissement des EPCI en Gironde en 2012

En matière de produits d’investissement des intercommunalités on relève la grande homogénéité de comportement des communautés de communes puisque la quasi-totalité dispose de moins de cinq millions d’euros. La CUB mobilise près de 90% des ressources fiscales de la Gironde en ce qui concerne les produits d’investissement. Viennent ensuite, loin derrière, l’agglomération d’Arcachon, la CC de Langon. Quatre autres CC se distinguent par leur montant compris entre 5 et 10 millions d’euros : la Communauté d’agglomération de Libourne, les CC de Sainte-Foy-la-Grande, Montesquieu et Saint-André-de-Cubzac.

Le fonctionnement fédératif des EPCI peut être apprécié en rapportant le total des produits de ces intercommunalités à celui de l’ensemble des communes qui la compose. En 2012, cela fait près de 10 ans que les structures intercommunales sont en place et les transferts de compétences et de ressources ont eu le temps de se réaliser. La carte issue de ce rapport permet donc de dégager des degrés d’intégration. Dans un seul cas, la Communauté de communes de Villandraut, les produits de fonctionnement de l’EPCI sont supérieurs à la somme des budgets de fonctionnement des communes qui se sont fédérées. Dans deux cas, la part des produits de fonctionnement de l’EPCI est comprise entre 80 et 100% : la CC de l’Estuaire-Canton de Saint-Ciers-sur-Gironde et la CUB. Longtemps réticente à partager les retombées fiscales tirées de la centrale nucléaire, la commune de Braud-Saint-Louis joue aujourd’hui la carte de la fédération et la CC profite largement de cette manne. Les 27 communes de la CUB disposent d’un total de produits de fonctionnement légèrement supérieur à celui de l’EPCI. Pour assurer les dépenses de fonctionnement, la CUB plus l’ensemble des communes qui la compose, dispose d’un total de ressources proche de deux milliards d’euros, soit les deux tiers des prélèvements fiscaux de l’ensemble des EPCI. Si la CUB fonctionne bien selon une structure fédérative, il convient de nuancer le propos : la création de la CUB remonte à la fin des années 1960 contrairement à bien des EPCI dont l’acte de naissance est postérieur à 2000 ; de plus les communes de la CUB disposent toujours d’un grand degré d’autonomie, le plus souvent dans un rapport de force entre la ville centre, Bordeaux, et les autres communes[17].

Total des produits de fonctionnement des EPCI de la Gironde rapporté au total des produits de fonctionnement des communes des EPCI en 2012

Total des produits d'investisssement des EPCI de la Gironde rapporté au total des produits d'investissement des communes des EPCI en 2012

Pour tous les autres EPCI, le rapport entre le total des produits de fonctionnement et celui des communes les composant, le pourcentage est au mieux de 50%, très souvent inférieurs à 30%. Si le taux est proche de 50% dans le cas de la Communauté d’agglomération d’Arcachon, il tombe à moins de 40% dans la CC du Libournais[18]. Plus globalement, le département peut être divisé en deux parties le long d’un axe qui court du Bassin d’Arcachon à Sainte-Foy-la-Grande. Au sud de cette ligne, le fonctionnement de type fédératif est plus poussé que dans le reste du département. Incontestablement, dans les espaces les moins peuplés, les moins dynamiques au plan économique, que sont la partie landaise et l’Entre-deux-Mers les élus n’ont pas souhaité éviter le morcellement intercommunal, mais en revanche ils jouent plus qu’ailleurs la carte des transferts de charges et de compétences afin de tirer parti de l’effet de levier qu’offre l’EPCI par une mise en commun de moyens modestes.

A l’opposé, outre le Libournais lui aussi émietté en de nombreuses structures intercommunales au caractère fédératif peu marqué, l’ouest de la Gironde, du Bassin à l’estuaire, se signale, sauf cas particulier, par des taux souvent inférieurs à 30%. Comme on pouvait s’en douter, la CC des Lacs Médocains (trois communes) et celle de Cestas-Canejan (deux communes), sont également celles ou le rapport est le plus faible, inférieur à 20%. Le cas de Cestas-Canejan est caricatural : 5 millions d’euros pour l’EPCI et près de 45 millions d’euros en additionnant les produits de fonctionnement des deux communes. Cela tient au reversement d’une partie non négligeable de la Contribution économique territoriale (CET) au budget de chacune de ces deux communes. Dans plusieurs autres EPCI on observe le même transfert, le plus souvent au bénéfice de la commune qui concentre l’activité économique du fait de son statut de ville ou des avantages en matière de localisation des entreprises.





Total produits Fonctionnement en euros




EPCI
Ensemble des communes de l’EPCI
Rapport
 en %
CUB
934 246
964 730
97%
CA Arcachon
47 278
99 803
47%
CC Nord Libournais
24 733
73 413
34%
CC COBAN Atlantique
18 802
79 397
24%
CC Montesquieu
15 660
31 281
50%
CC Estuaire St Ciers
12 180
13 660
89%
CC Médoc Estuaire
9 062
18 346
49%
CC Pays Langon
8 010
17 791
45%
CC Val Eyre
7 822
16 125
49%
CC canton Podensac
7 672
14 523
53%
CC St Loubes
7 523
25 984
29%
CC Cubzaguais
7 435
16 846
44%
CC Pays Foyen
6 144
9 551
64%
CC Medulienne
5 705
14 862
38%
CC Pointe Médoc
5 431
24 584
22%
CC St Savin
5 089
13 904
37%
CC Blaye
5 078
12 291
41%
CC Cestas Canejan
4 956
44 591
11%
CC Coteaux Bordelais
4 446
13 247
34%
CC Portes E 2 Mers
4 080
10 143
40%
CC Coeur Médoc
4 003
10109
40%
CC Centre Médoc
3 932
16 686
24%
CC Lacs médocains
3 830
20 194
19%
CC Villandraut
3 667
2 980
123%
CC La Reolais
3 650
11 408
32%
CC Bourg sur G
3 624
9 257
39%
CC Castillon Pujols
3 577
11 728
30%
CC Creonnais
3 376
11 136
30%
CC Coteaux Garonne
3 353
5 233
64%
CC Vallon Artolie
2 817
5 771
49%
CC Bazadais
2 556
5 138
50%
CC Canton Targon
2 439
4 405
55%
CC Fronsac
2 425
11 815
21%
CC coteaux Macariens
2 420
7 319
33%
CC Sauveterre
2 409
5 222
46%
CC Sud Libournais
2 368
10 007
24%
CC Captieux Grignols
2 127
4 031
53%
CC d'Auros
1 853
3 604
51%
CC Pays Paroupian
1 769
3 845
46%
CC Monsegur
1 685
3 311
51%
CC Pellegrue
1 439
2 133
67%
CC Entre 2 mers O
1 262
2 932
43%
CC Lussac
1 170
4 772
25%
CC St Emilion
1 140
9 757
12%
CC Brannais
961
3 182
30%








Total
1 205 204
1 701 047





Part CUB
78%
57%



L’étude du rapport entre le total des produits d’investissement des intercommunalités rapporté au total des produits d’investissements des communes composant l’intercommunalité permet d’observer de grandes similitudes avec l’analyse précédente, avec quelques nuances cependant. D’abord on compte quatre EPCI où le rapport est supérieur à 100%, ce qui constitue un bon indicateur de la volonté de mutualiser des dépenses d’investissement : la CUB, le Pays de Langon, la CC du Bazadais et le Pays Foyen. Les moyens financiers de la CUB pour investir se situent à une autre échelle que les trois autres EPCI et plus largement que l’ensemble des CA et CC de la Gironde. En 2012, la CUB a investi plus de 750 millions d’euros auxquels il convient d’ajouter plus de 300 millions apportés par les 27 communes. Ces sommes considérables sont indispensables pour financer les grands équipements structurants nécessaires au bon fonctionnement d’une métropole : transport en commun dont le tram, zones d’activités, équipements sportifs…

Non seulement les EPCI disposent de capacités d’investissement limitées, en dehors de la CUB, mais de plus la moitié d’entre elles se sont refusées à emprunter en 2012. Certes, il est demandé aux collectivités locales d’être rigoureuses dans leurs dépenses afin de limiter les déficits, mais en ont-elles véritablement les moyens ? Ce qui nous renvoie à la taille des EPCI et à leur assise économique, à leur volonté de bâtir une communauté de projet. Celles qui empruntent, le font modestement. A part la CUB qui a emprunté 65 millions d’euros en 2012 et la CA d’Arcachon (10 millions d’euros), cinq CC ont emprunté entre un et deux millions d’euros, une dizaine entre quelques milliers d’euros et un million.

La faible mutualisation constitue aussi un facteur d’explication dans la place de l’emprunt en matière d’investissement. Prenons quelques exemples pour illustrer cela. Si la CA d’Arcachon (COBAS) pratique la mutualisation en empruntant plus au niveau de l’EPCI que séparément dans les communes la composant, c’est l’inverse dans le cas du COBAN : pour une population identique et une base économique proche, pas d’emprunt dans le cadre de l’EPCI, mais près de cinq millions en additionnant les investissements des communes. La CA de Libourne, mutualise également fort peu : moins d’un million emprunté dans le cadre de l’EPCI contre près de sept pour l’ensemble des communes dont quatre millions d’euros pour la seule commune de Libourne. Observons que ce comportement s’observe dans un très grand nombre de CC. Toutefois, les moins peuplées, les moins aptes à mobiliser des ressources financières n’empruntent pas ; tant au niveau de l’EPCI que dans chaque commune.


En 2014 la nouvelle carte des EPCI en Gironde : des changements très modestes


Les élus communaux défendent le fait communal en entrant dans des EPCI au sein desquelles ils gardent la plus grande indépendance possible en insistant sur le rapport de proximité dans le fonctionnement de la démocratie pour préserver l’autonomie de leur commune. De son côté l’Etat, incité par la comparaison avec la situation dans autres pays européens, cherche depuis plus de 50 ans à faire entrer les communes dans une intercommunalité porteuse de projets, plus efficiente dans l’action publique, plus adaptée à l’urbanisation diffuse du territoire et éventuellement plus économe si on se réfère à la crise économique et financière de ces dernières années.[19].

Types d'EPCI en Gironde en 2014 


Cette vision opposée éclaire les observations que nous avons faites au fil des lignes qui précèdent : des périmètres discutables et le plus souvent trop petits, une mutualisation peu avancée dans bien des cas, un manque de projet porté par les EPCI… Sans oublier la question démocratique puisque les présidents de ces EPCI sont élus au second degré. Et ces constats sont faits dans de très nombreux rapports qui se penchent sur ce sujet[20]. Certains peuvent être très critiques comme celui de la Cour des Comptes[21]. Dans ses conclusions publiées en novembre 2005, la Cour des Comptes faisait les constats suivants : 
« Si la loi du 12 juillet 1999 a été un succès sur le plan quantitatif, le paysage intercommunal n’a pas été simplifié : enchevêtrement de syndicats de tous types, maintenus ou créés, existence d’un trop grand nombre de petite communautés de communes à fiscalité additionnelle, développement d’une intercommunalité de troisième niveau avec des syndicats mixtes de planification territoriale. Les nouveaux groupements à fiscalité propre n’ont pas permis l’émergence d’une logique d’intégration : compétences restant virtuelles, intérêt communautaire insuffisamment défini, moyens partiellement transférés, investissements limités au regard des moyens financiers accrus dont ils disposent.
Les EPCI sont demeurés des structures de redistribution de fonds aux communes. La mutualisation des moyens n’a pas généré des économies d’échelle et les services rendus aux usagers restent encore limités. La réforme de 1999 a été coûteuse si on prend en compte, outre la dotation supplémentaire distribuée par l’Etat, la pression fiscale supplémentaire sur le contribuable, laquelle risque de s’accroître si les communes regroupées ne prennent pas suffisamment en compte l’exigence de mutualisation des objectifs et des moyens. A défaut, les risques d’une réforme inachevée et d’une dérive financière alimentée par des doublons et des déséquilibres sont réels. »    

Cette même Cour des Comptes dresse plus récemment[22], en octobre 2013, un tableau assez négatif de la situation financière des EPCI et doute de leur volonté de faire des économies comme le demande l’Etat.

Entre temps, en 2010[23], une nouvelle loi impose une réforme territoriale dont le contenu a été en partie modifié après l’élection présidentielle de 2012. Toutefois, le volet concernant les périmètres des EPCI a obligé chaque département à se doter d’un Schéma de coopération intercommunale. Celui de la Gironde[24] mentionne trois objectifs : intégrer les 10 communes demeurées isolées, déterminer des périmètres plus pertinents à partir de plusieurs critères, supprimer des syndicats.

Deux années de négociation entre les représentants des élus et les services de l’Etat, aboutissent à un remodelage de la carte des EPCI en Gironde, mais ce changement se fait à minima en respectant seulement l’obligation de ne plus compter d’EPCI de 5 000 habitants et moins. La modification la plus importante est la transformation de la CC du Libournais en Communauté d’Agglomération au terme d’un processus entamé avant même le vote de la loi de 2010.

Deux communes de l’agglomération de Bordeaux avaient refusé jusqu’à présent toute intégration dans des EPCI : Martignas-sur-Jalles entre dans la CUB, alors que Saint-Jean-d’Illac choisit de se rattacher à la CC de Canejan-Cestas. La recomposition dans le Libournais est d’une toute autre ampleur. En se rapprochant dès la fin de la précédente décennie, les CC de Libourne, Guîtres et Coutras donnent naissance à la seconde Communauté d’agglomération de la Gironde. De plus Saint-Seurin-sur-l’Isle, dans l’emprise territoriale de cette EPCI, est contrainte de s’y rattacher. Ainsi se constitue la seconde EPCI en volume de population puisque la CALI compte 70 000 habitants. Dans cette même région de Libourne, la CC de Lussac accepte de se regrouper avec celle de Saint-Emilion et les quelques communes isolées qui existaient dans ce secteur sont obligées d’entrer dans un EPCI.

Nom de la communauté de communes
Nombre de communes
Variation entre 2008 et 2014
Nombre d'habitants
Communauté urbaine de Bordeaux (C.U.B)
28
1
742 158
CA du Libournais (CALI)
34
28
70 778
CA "Bassin D'Arcachon Sud - Pôle Atlantique" (COBAS)
4

62 881
CC Du Bassin D'Arcachon Nord Atlantique (COBAN Atlantique)
8

59 051
CC de Montesquieu  
13

37 954
CC du Sud Gironde
29
15
30 695
CC de Jalle Eau Bourde
3
1
29 097
CC Médoc-Estuaire
11

25 304
CC du secteur Saint-Loubès
6

24 674
CC se Saint-Savin 
16

22 146
CC du Cubzaguais
10

21 954
CC du Réolais et du Pays d'Auros
38
15
20 406
CC du canton de Podensac
13

19 347
CC "Medulienne"
10

17 881
CC des Coteaux Bordelais
7

17 524
CC du Val d’Eyre
5

17 168
CC du Centre-Médoc.
8

16 932
CC du canton de Fronsac
18

16 312
CC du grand Saint-Emilionnais
22
14
15 835
CC du Bazadais
30
17
15 744
CC du Créonnais
14

15 273
CC du canton de Blaye
13
4
15 272
CC des Portes de l’Entre-deux-Mers
7

15 030
CCC de la Pointe du Médoc
11

14 848
CC Castillon/Pujols
22
1
14 487
CC du Pays Foyen
19
4
14 452
CC du Sud-Libournais
5

13 314
CC du canton de Bourg-sur-Gironde
15

13 285
CC de l’Estuaire–canton Saint-Ciers-sur-Gironde
11

12 692
CC "Cœur du Médoc" 
11

12 517
CC des Lacs Médocains
3

10 030
CC des Coteaux Macariens
14

9 967
CC du Sauveterrois
32
16
9 479
CC du Brannais (CCB)
15
7
9 034
CC du Vallon d’Artolie
9

8 994
CC du canton de Targon
19

7 076
CC des Coteaux de Garonne
9

7 032
CC du Pays de Coutras.
Entre dans la CA de Libourne
CC du Canton de Guîtres
Entre dans la CA de Libourne
CC du Lussacais
Entre dans la CC de Saint-Emilion
CC de Captieux - Grignols
Regroupement avec la CC de Bazas
CC du canton de Villandraut
Regroupement avec les CC de Langon et Paroupian
CC du Monségurais
Regroupement avec les CC du Réolais et d’Auros
CC du Pays d’Auros
Regroupement avec les CC du Réolais et Monségur
CC de l’Entre-deux-Mers Ouest
Regroupement avec la CC de Branne
CC du Pays Paroupian
Regroupement avec les CC de Langon et Villandraut
CC du Pays de Pellegrue
Regroupement pour partie avec la CC de Sauveterre-de-Guyenne et pour l’autre partie avec la CC de Sainte-Foy-la-Grande


Reste l’Entre-deux-Mers et le secteur landais de la Gironde où se concentrent les six CC de moins de 5 000 habitants. La CC de Branne retrouve le périmètre de son canton après regroupement avec la CC de l’Entre-deux-Mers-Ouest. La CC de Pellegrue est séparée en deux entités : les communes occidentales viennent grossir la CC de Sauveterre-de-Guyenne, tandis que celles de l’est rejoignent Sainte-Foy-la-Grande qui y exerce son attraction. La CC de La Réole est étoffée par absorption des EPCI de Monségur et d’Auros qui sont dans sa zone d’influence. Si Captieux préfère un rattachement à la CC de Bazas, les EPCI de Villandraut et du pays Paroupian optent pour un rassemblement avec l’EPCI de Langon.

Réflexions au sujet du millefeuille administratif de la Gironde


La réforme territoriale découlant de la loi de 2010 ouvrait de nombreuses pistes et donnait naissance, dans le cas des agglomérations de plus de 500 000 habitants, à une nouvelle catégorie d’établissement public de coopération intercommunale, la Métropole. Cette dernière doit se substituer aux collectivités préexistantes sur son territoire, y compris le Conseil Général.
A suivre l’actualité locale, la Communauté Urbaine de Bordeaux se transformerait en Métropole, conformément à ce qui est prévu dans la réforme territoriale de 2010. Nul ne  semble s’interroger sur le périmètre de cette Métropole, qui compte 28 communes désormais, dont 27 le sont depuis la création à la fin des années 1960. Pourtant n’est-ce pas l’occasion de s’interroger sur la notion de métropole, sur son poids économique en Europe et sur sa capacité à maîtriser sa croissance et son développement en prenant en considération un périmètre plus étendu ? Le territoire concerné actuellement par le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) peut-il servir de base à cette réflexion ?

Rapprochement entre périmètres des SCOT et des EPCI en Gironde

Courant 2014, le Président de la République et son Premier Ministre portent une nouvelle réforme territoriale concernant le découpage régional, la taille des EPCI et l’existence des départements[25].

Une première évidence tient à la dimension des EPCI en rapport avec le nombre de leurs habitants Le Président de la République a évoqué le seuil de 20 000 personnes désormais. Dans cette hypothèse, en Gironde, 12 EPCI seulement atteignent ce seuil, 25 sont au-dessous. Le découpage est presque totalement à reprendre.

Notons également que le découpage actuel des EPCI n’est plus du tout en phase avec la nouvelle carte des cantons réalisées elle aussi à partir d’un critère de population afin de réduire les inégalités de représentation entre les espaces urbains et les zones à dominante périurbaines et rurales. De 63 cantons précédemment on passe à 33[26]. Outre cette réforme cantonale ne pourrait-on pas là encore s’appuyer sur les périmètres des SCOT qui parfois comme en Sud Gironde sont plus ambitieux que le millefeuille administratif actuel?

La révision du millefeuille administratif est bien plus complexe quand on s’intéresse aux cas des espaces les plus urbanisés en dehors agglomération de Bordeaux : bassin d’Arcachon, Libournais.

Le bassin d’Arcachon est une entité naturelle soumis à de fortes contraintes en raison de son milieu fragile, de la poussée de l’urbanisation et de la présence de milliers de touristes en saison. C’est une entité attractive pour des résidents bordelais et des touristes venus du monde entier qui possède une réelle unité économique et nécessite une réflexion globale en terme d’aménagement et de développement. Or, on relève l’existence d’une Communauté d’Agglomération dans la partie sud et une Communauté de Communes bien moins fédérative dans son fonctionnement en ce qui concerne la partie nord du bassin. Cela peut-il durer ? Une seule Communauté d’Agglomération pour l’ensemble du Bassin, rassemblant plus de 100 000 habitants, ne s’impose-t-elle pas ?

Le second foyer urbain de la Gironde constitué autour de la ville de Libourne présente des caractéristiques très complexes. En effet, dans le Libournais, les réticences à entrer dans des EPCI ont été très fortes, ce qui se traduit par la création récente d’une Communauté d’Agglomération dont la forme géographique est assez stupéfiante. On peut s’en rendre compte sur les cartes. La ville de Libourne, à la confluence de la Dordogne et de l’Isle, se place à la sortie d’un entonnoir qui s’ouvre vers le nord. C’est en totale contradiction avec le rayonnement de la ville de Libourne qui englobe des EPCI voisines actuellement hors de la CALI : Saint-Emilion, Fronsac et des EPCI de la rive gauche de la Dordogne. Peut-on imaginer que la CA de Libourne englobe un jour les communes qui appartiennent à son aire d’influence ?




[1] L’auteur de ces lignes est professeur des universités à la retraite. On trouvera ci-après des liens renvoyant aux différentes publications utilisées, mais l’ensemble de cette analyse relève d’un travail personnel. Il en est de même de la cartographie qui l’accompagne.
Dans l’encyclopédie Wikipedia on consultera le Portail de l’Intercommunalité qui fournit de nombreuses informations et donne la liste des intercommunalités en France
[3] On trouvera une comparaison avec les autres CU en allant sur le lien suivant : http://www.millenaire3.com/fileadmin/user_upload/syntheses/La_creation_des_Communautes_urbaines.pdf
[4] On trouvera des éléments en allant sur le site suivant : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006078688
[5] On trouvera des éléments en utilisant le lien suivant : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000396397
[6] Le CESER Aquitaine a établi un bilan de l’intercommunalité en 2004, analyse disponible en utilisant le lien suivant : http://ceser-aquitaine.fr/informations/avisrapports/rapports/2005/intercommunalite-2005/avis.pdf
[7] Les données du tableau établissant la liste des EPCI en Gironde est tirée des publications des services de l’Etat, du Conseil Général et de l’INSEE
[8] Le contenu de la loi est accessible en utilisant le lien suivant : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000531809&categorieLien=id
[9] La liste des cantons et la carte donnant accès au découpage cantonal en Gironde avant la réforme en cours est disponible en utilisant le lien suivant : http://www.gironde.fr/jcms/pgw_33660/les-territoires-girondins
[10] Les services de l’Etat on établi un Schéma départemental de coopération intercommunale pour la Gironde, en 2012. Ce document est disponible en utilisant le lien suivant : http://www.gironde.gouv.fr/content/download/7211/38697/file/sch%C3%A9ma%20d%C3%A9partemental%202012.pdf
[11] On trouvera quelques éléments d’information en utilisant le lien http://www.agenda21cadaujac.fr/images/imagesDocPDF/PresentationSDEEG.pdf
[12] Pour aller plus loin sur cette question on peut consulter le lien suivant : http://www.gironde.fr/upload/docs/application/pdf/2008-06/plan_gestion_dechets.pdf
[13] Le rapport final de la Cour des Comptes Régionale est disponible avec le lien suivant : https://www.ccomptes.fr/content/download/10354/.../Aqr200938.pdf
[14] Ces informations sur les budgets des EPCI sont fournies par les services de l’Etat et peuvent être consultées en utilisant le lien qui suit : http://alize2.finances.gouv.fr/communes/eneuro/RDep.php?type=BPS&dep=033
Ces données ont été rassemblées dans un fichier Excel et alimentent notre analyse ainsi que la cartographie qui l’accompagne
Il est également possible de consulter l’étude des services de l’Etat sur la part des dépenses mutualisées, disponible en utilisant le lien suivant : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/indicateurs-indices/f/1827/1346/part-depenses-mutualisees.html
[15] Pour disposer d’un éclairage sur le régime fiscal on peut consulter le site suivant : http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/approfondissements/financement-intercommunalite.html
[16] Pour comparer la situation de la Gironde à celle des autres départements et des autres EPCI, on peut se reporter aux rapports de l’Observatoire des finances locales qui peuvent être consultés en suivant le lien : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/rapports-lobservatoire-des-finances-locales-ofl
[17] Les rapports entre la commune de Bordeaux et les autres communes sont conflictuels, atténués cependant le plus souvent par des compromis. Les dernières élections se traduisent par le retour aux commandes de la CUB du maire de Bordeaux. On peut se reporter au lien suivant : http://www.sudouest.fr/2014/03/31/cub-le-camp-juppe-va-proposer-un-accord-de-gestion-a-la-gauche-1510747-2780.php
[18] Comme les données sont de 2012, la Communauté d’agglomération de Libourne n’est pas encore prise en compte.
[19] Article de Jacques CAILLOSSE Professeur de droit public Université Panthéon-Assas. Centre d’Etudes et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques (CERSA) La totalité de cet article peut être consulté en utilisant le lien suivant : http://www.revuepolitique.fr/intercommunalites-et-reformes-des-collectivites-territoriales/
On pourra aussi consulter la synthèse suivante, toute en nuance : http://www.metropolitiques.eu/L-intercommunalite-vingt-ans-de.html
[20] Le site du Service public recense des rapports sur le thème de l’intercommunalité : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/rapports-et-etudes-relatifs-a-lintercommunalite
Il est également possible de consulter le rapport établi par le Sénat en allant sur le lien suivant : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-379-notice.html
[25] Un résumé de la position du Président est disponible avec le lien suivant : http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/reformer-les-territoires-pour-reformer-la-france/
Depuis, rien n’est assuré en matière de réforme territoriale. Ainsi, la position de l’Etat au sujet des départements a constamment évolué. Leur suppression ne serait plus d’actualité. Sur ce point on peut consulter le lien suivant : http://www.localtis.info/cs/ContentServer?pagename=Localtis/LOCActu/ArticleActualite&jid=1250267984575&cid=1250267982203
[26] La nouvelle carte des cantons est visible en utilisant ce lien : http://www.gironde.fr/upload/docs/application/pdf/2013-10/nouveaudecoupagedepartementgironde.pdf

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